Reliefs lyriques
Relevés poétiques et topographiques de la terre humaine
TERRES
Limons
Frères limons
A vous toujours
Nourriture baladeuse,
Terre de la vie,
Doux flot.
A vous toujours retournerons.
Car la boue est le socle,
Car la fange est honnête,
Car sans vous, point de chansons.
Ni mot, ni note, ni guitare,
Rien que l’eau bleue
Celle belle
De la mélodie,
Mais muette.
Sillons
Avec un peu d’aisance
Un grain de grâce
Quelques gouttes de terre
Des grumeaux et des lignes
Par-dessus le vers
Par-delà la rainure
Un enjambement.
Avec un pinceau fin
Un soc de charrue
Un fil
Des traits au doigt
Et l’imagination
Des lignes.
Avec emphase
Avec discrétion
Avec couleurs
Et détermination
Un grand paysage plat
Parcouru,
Fendillé,
Mordu
Par les saisons.
Monticule
Catastrophe,
Un obstacle.
Perché, juché
Un point du monde
Perdu sur la grande boule.
Prend un air serein
Convie ses frères.
Harangue la foule.
Puis s’en retourne dans le froid vent.
Puis seul encore se parle à lui-même.
Landes
Dans le désert immense
Une route.
Où va-t-elle ?
Loin là-bas.
Dans le désert immense
Une route
Prendra les détours qu’il lui faut,
Grandira infinie
Puis reviendra
Là
A son début,
A son pas,
Dans le désert immense.
Chemins de traverse
Sur une brindille
J’ai marché d’un coup sec.
Un jour est né.
Puis j’ai recommencé.
Lopin
Sous le petit tilleul,
Sur le banc du gazon,
Je cherche dans l’ici
Un peu d’eau et des sons.
Plaine
Jaune et pleine
Et vouée à l’homme :
Terrible, sans grandiloquence;
Puissante comme
Le soleil couché à terre.
Vallée
Dans cette commissure,
Se glissent des baisers du ciel.
Bassin
Blanc, assoupi,
Etoffé de forêts et de buttes,
Au beau milieu,
Coule la Loire,
Ah, non, l’autre, le régulier.
ROCHES
Pics
Par monts, par vaux,
L’avalanche.
Le hic c’est qu’ils sont là,
Les pics.
Etêtons-les,
Coupons l’arrogance.
Il en reste des blocs.
Puis ils repoussent,
C’est là le hic.
Arrosons leur base
D’une eau bienfaisante.
Leur pied s’amollit,
Leur tête se délasse
Et les pics immédiatement
Deviennent sympathiques.
Piedmont
Emouvant cône
De masses, de matières.
Comment forme pareille
Existe ?
En se répandant.
Ou non : par la poussée.
Choc des plaques.
Ploc : un grand entonnoir.
En pente mais douce,
La montée silencieuse.
Parsemée de petits coins
Comme ceux du bois
Pour éclater de joie.
Haut plateau
Trône donc,
Père serein
Dans l’azur himalayen,
Un fou ira te fouler.
Volcan éteint
Il faut croire à la possibilité du calme retrouvé,
Ne pas se laisser faire,
Ne pas aller à la frénésie,
Ne pas la laisser venir à nous
Et rester calme et vieux,
Cachant ses secrets,
Comme un volcan éteint.
Continents
Il y a l’ouest lointain
Et le milieu de l’Est,
La terre du Sud,
Les craquelures du Nord
Et l’original bout du monde.
Mais jusqu’à quand ?
EAUX
Voies d’eau
Ru,
Rien si ce n’est le filet ;
Ruisseau,
Glisse et voltige
Dans un cran fait pour lui ;
Torrent,
En boucle tourneboule
Dans les pierres
S’enfourne ;
Rivière,
Tranquille allonge
Un bras pour s’endormir ;
Fleuve,
Patine l’espace et va
Là où il veut ;
Mer,
Se repose dans un creux et dit
Ce qu’elle pense ;
Océan,
Grandit dans l’onde,
Fend la terre,
Fend le cœur.
Estuaire
Déchirure grave
Où s’engouffre l’eau grise,
Où s’étouffent les cris.
Delta
Eventail hasardeux des rainures bleues.
Débouché, où tout se repose,
Où tout s’écrit.
Lagune
Sœur des grands jours,
Amie des matins blancs,
Ludique. Ou pas.
Marécage de l’être.
Île
A l’orée des chaleurs,
A l’abri des embruns,
Il y a l’île et elle est là
Où elle peut être.
Archipel
Par touches calcinées,
Parsemées dans l’eau seyante,
Chamboulées dans l’azur liquide,
Prises dans la banquise molle ou fondue,
Défiant les grandeurs,
S’imposant comme un triolet,
Emergeant de l’ eau-delà jamais avéré,
Lovées au bout du monde.
Dans la pupille de l’œil océan,
Un chapelet de prières aux cieux.
Monte les prières comme une chorale,
Basses, aigrelettes, moyennes,
Appelant des hauteurs.
Dorsale
Coupant en deux
Et en quartiers les hémisphères verticaux.
Grande reine profonde qui se résume à sa couronne,
Rien ne trouble la vie palpitante et soyeuse
Du tapis fondamental.
Béante fêlure, tu perces l’horizon des mers
Comme une aiguille dans un vêtement neuf.
Cheminées et crachats dont on ne sent
Ni le bruit, ni l’odeur de pierre.
Colère froide, glacée, inaltérable
Où les éléments se délient.
CIEUX
Nuage
Virevoltant sans bruit
Tout là-haut,
Un nuage acrobate.
Il a les cheveux ébouriffés
Et les doigts crochus,
Des jambes aériennes.
Sans un mot il parade,
Vole d’un bon pas,
Ne s’attrape nulle part,
Court sans destin,
Trace sans obéir.
Son ami le voisin ne le regarde jamais
Et fait tout comme tous leurs cousins
Chemin solidaire,
Echappée belle.
Orage
Un père a grondé ses petits terrifiés.
Il en chute des colères et des peurs.
Tornade
Une mère en furie a perdu la raison.
Violente,
Vente colère puis éteins toi.
Eclair
Strie s’étire.
Suies s’attirent,
Et le noir se déchire.
Voile de brume
Comme le coton
Et l’ouate
La fumée du matin
Envahit
Tout
Et devient
Atmosphère.
Echevelé
Mal réveillé
Le ciel
Se pare
De fard
Qui cache
Ses joues.
Puis l’oiseau
L’heure venue
S’envole
Et d’un coup lent
Enlève ses plumes.
Eclaircie
C’est le panneau d’auberge
D’une île musicale,
Le miel du matin tiède
La promesse dorée
Et le rayon
D’espoir
De l’heure neuve
Qui vient
Nous portant
Ses gouttes de tendresse.
Soleil fixe
Enfermé l’astre
Superbe
Dans le creux d’une main qui protège.
Aucune mélancolie,
Bien au contraire
La jouissance zénithale.